Dans un contexte marqué par la volonté de libéralisation et de report modal, la plupart des grandes compagnies maritimes ont annoncé leur intention d’intégrer les segments terrestres de la chaîne de transport intermodal. Quelle est la réalité de ces annonces ? Pourquoi les dessertes terrestres attirent-elles tant l’attention des armateurs ? Comment ajustent-ils leurs stratégies aux contextes particuliers de chacun des pays en fonction du degré de libéralisation effective des chemins de fer ? Où en sont-ils réellement de leur implication dans le transport ferroviaire ? Ce sont les questions auxquelles nous essaierons de répondre dans cet article.Notre analyse se base sur l’étude du cas de Rail Link (RL), filiale de la compagnie maritime CMA-CGM engagée dans le développement ferroviaire. Le cas est intéressant parce que RL opère dans deux pays européens, Royaume-Uni et France, qui ont réagi de façon totalement opposée aux directives de libéralisation des chemins de fer. Nous mettrons en valeur les motivations qui conduisent à la définition des stratégies développées respectivement au Royaume-Uni et en France et les politiques de coopération mises en place au contraire de l’intégration qu’on aurait pu attendre. On assiste bien à une intégration des services, un seul opérateur est capable de proposer l’ensemble du service, mais pas à une intégration des moyens de production - aucun ou de très faibles investissements.Derrière le " concept libéral " du Royaume-Uni, des contrats long terme sont introduits et la prise de risque commercial est partagée entre l’opérateur de transport combiné et le client. Toutes les parties tireront des avantages des réductions du coût, mais le risque existe pour les plus petites compagnies maritimes et les plus petits ports d’être évincés. En France, le risque commercial repose sur l’opérateur combiné plutôt que sur le client et finalement sur l’entreprise ferroviaire et le gestionnaire d’infrastructure, et les conditions des contrats jouent clairement en faveur des clients.