La croissance tendancielle des revenus transforme notre gestion du temps. Comme le budget temps quotidien est rigoureusement stable, le temps devient, en termes relatifs, " le bien le plus rare ". Face à cette situation de rareté radicale, les moyens de transport rapides, cherchent à nous faire " gagner du temps ". Pourtant, tout se passe comme si, avec l'accroissement de la vitesse, l'impression de rareté du temps augmentait. Pour éclairer ce paradoxe, nous nous intéressons au budget temps de transport (BTT) dans les agglomérations des pays industrialisés en reprenant la conjecture de Zahavi ou hypothèse de constance des BTT. Dans cette hypothèse, l'amélioration des vitesses se traduit par un réinvestissement du temps gagné dans d'autres déplacements. Il en résulte une dilatation des espaces-temps de la ville, une sorte de fuite en avant qui aiguise le sentiment d'une rareté croissante du temps. Un tel mécanisme est visible dans les agglomérations d'Amérique du Nord et d'Océanie. Un " modèle extensif de ville " peut ainsi être distingué, où se conjuguent accroissement des distances parcourues et des BTT. Face à ce " modèle extensif ", les villes européennes et les métropoles asiatiques présentent un " modèle intensif ", caractérisé par une stabilité des BTT. Comment interpréter cette spécificité européenne ? S'agit-il d'un décalage temporel, d'un simple retard en regard du " modèle " nord américain ? Ou sommes nous au contraire en présence d'un autre " modèle " de gestion de la rareté du temps ?