Cet article étudie les raisons conduisant certains individus à consacrer des temps importants à leur mobilité, par une approche mixte, en mobilisant les méthodologies quantitatives et qualitatives. Dans la littérature, le temps de trajet est traditionnellement considéré comme un temps inutile et non-productif, voire comme le pire temps de la journée. Dans ces conditions, le comportement des pendulaires intensifs qui passent plus de deux heures quotidiennes à se déplacer, constitue sinon une remise en question, du moins un contre-exemple à cette conception du temps de trajet. Tout d'abord, une analyse quantitative des budgets-temps de transport (BTT) dans huit villes (Berne, Bruxelles, Genève, Grenoble, Lyon, Rennes, Strasbourg et Zurich) explore les temps de transport dans ces villes par la méthode des modèles de durées. Un premier résultat est qu’environ 20 % des individus de l'échantillon de chaque ville font face à des déplacements de longue durée (plus de 100 minutes). Ensuite, le modèle de durées estimé suggère un comportement atypique de ces individus, qui n’est pas explicable uniquement par leurs caractéristiques renseignées dans les enquêtes de mobilités. Ensuite, les résultats des entretiens qualitatifs d’individus, dont les BTT sont supérieurs à deux heures, sont présentés. Diverses dimensions illustrent les choix ou les obligations qui causent ces BTT extrêmes. L’approche sociologique qualitative complète l’approche économétrique quantitative et illustre que l’allocation de temps au transport n’est pas uniquement déterminée par l’activité à destination et les modes de transport, mais aussi par d’autres éléments tels que les convictions personnelles, les interactions avec les autres membres du ménage, la perception de ce temps de transport, etc. Notamment, le temps de transport peut être perçu comme un temps support d’autres activités (ex. travailler, écouter de la musique, etc.).