On ne soulignera jamais assez le rôle capital joué par les canaux interocéaniques pour ouvrir de nouvelles routes maritimes. Là où le choix de routes orthodromiques n’est plus possible en raison de la morphologie des façades maritimes, des creusements de canaux interocéaniques sont imaginés dès le milieu du 19ème siècle. Le canal de Suez est inauguré en 1869 et va s’inscrire pleinement à partir des années 1970 dans l’essor de la conteneurisation. Les flux de l’Europe devraient en principe continuer de passer par la Méditerranée et le canal de Suez, mais aujourd’hui ils peuvent être contrariés par l’évolution de certaines variables et par le risque aussi de voir à l’horizon 2040 disparaître la position centrale de l’Europe. On peut donc globalement douter que le canal de Suez remplisse à l’horizon 2040 le rôle que nous lui connaissons aujourd’hui pour les flux conteneurisés. En excluant les risques géopolitiques majeurs du Moyen-Orient, un scénario, visant à un partage des flux en plusieurs routes, semble de loin le plus probable. Après la ruée vers le canal de Suez, des itinéraires alternatifs seraient le moyen de freiner sa saturation, d’opérer un ciblage fructueux des voies, un clivage des moyens et une hiérarchisation des flux selon la valeur des marchandises et l’urgence des expéditions, privilégiant tantôt le délai et le porte-à-porte par les ponts terrestres, tantôt la compétitivité tarifaire par la dorsale australe. Mais, on sait aussi que la maîtrise opérationnelle du fret conteneurisé appartient, selon les circonstances, au chargeur, à un prestataire logistique ou bien encore à un opérateur de fret. Par expérience, ce seront plus probablement ces derniers, qui façonnant les sous-systèmes, décideront également du rôle et de l’avenir du canal de Suez pour leurs navires, en tentant de répondre aux trois problématiques fondamentales et traditionnelles de la ligne régulière : les volumes, les taux de remplissage, le prix des soutes. Leurs recompositions au fil de l’évolution des marchés (trades), des ajustements des capacités de navires en service et des consommations de carburant constituent un autre élément de toute première importance dans la structuration du milieu maritime en général et du rôle du canal de Suez à l’horizon 2040.