73 | 2018


1. Questions sur l'hyper-mobilité. Introduction au dossier

Antoine Fremont.
L'introduction à ce dossier a pour ambition de mettre en évidence quelques grands enjeux en matière de mobilité et de transport. Des doutes se font jour face à la poursuite de la tendance lourde à l'hyper-mobilité. La rhétorique actuelle promeut la révolution du numérique qui permettrait rien de moins que de nouvelles mobilités. Mais lesquelles ? Il convient de revenir à des questions simples et récurrentes qui portent sur l'environnement, le financement des transports, les inégalités d'accès à la mobilité et sur le rôle des territoires.

2. Faut-il réduire l’usage de la voiture ? Coûts sociaux et bénéfices environnementaux de différents scénarios économiques et technologiques à l’horizon 2060

Richard Grimal.
Avec l’augmentation du trafic automobile, les externalités négatives de l’usage de la voiture n’ont cessé de progresser, en particulier les émissions de polluants et de gaz à effet de serre. Face à ce constat, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des politiques volontaristes pour réduire l’usage de la voiture, qui semblent toutefois atteindre leurs limites, échouant notamment à traiter le problème de la dépendance automobile dans les espaces peu denses. Aussi, dans un contexte de renchérissement de l’énergie à long terme, apparaît-il de plus en plus nécessaire de compléter l’analyse des politiques de mobilité non seulement au regard des enjeux environnementaux mais également en termes d’équité. Pour cela, plusieurs scénarios sont considérés, correspondant à des hypothèses différenciées en matière d’évolution des prix des carburants, des revenus et de la consommation des véhicules, dont les répercussions sur les émissions de gaz à effet de serre, l’usage moyen de la voiture et l’effort budgétaire des ménages, analysées à l’horizon 2060. Afin de projeter ces indicateurs, un modèle séquentiel de génération de trafic est utilisé, tenant compte de l’évolution du nombre de détenteurs du permis de conduire équipés d’un véhicule personnel. Les résultats obtenus suggèrent que le progrès des motorisations représente un moyen efficace de réduire simultanément les émissions et l’effort budgétaire des […]

3. Comment réduire les émissions de CO2 du transport de fret en France ?: Évaluation socio-économique de trois politiques publiques

Martin Koning ; Cecilia Cruz ; Christophe Rizet.
Afin de réduire ses émissions de CO2, la France doit aujourd’hui mettre en place des mesures très volontaristes. Se pose alors la question de l’efficacité des politiques et de leurs coûts, tant pour les finances publiques que pour la collectivité. Cet article estime le coût d’abattement d’une tonne de CO2 pour trois scénarios visant à réduire l’impact environnemental des poids lourds (PL) en France. Les PL hybrides permettraient d’obtenir de forts gains d’émissions de CO2 (5,7 Mt/an en 2030), pour un coût d’abattement actualisé de 88 €/t sur la période 2030-2050. Si le coût d’abattement actualisé des PL alimentés au gaz naturel est proche, cette technologie fait économiser moins de CO2 (3,2 Mt/an en 2030). Le scénario sur les PL de 60 t permet quant à lui d’obtenir des gains environnementaux modestes (0,2 Mt/an en 2030) mais pour un coût d’abattement actualisé négatif (-285 €/t), suggérant donc une forme de double dividende. Ce dernier résultat est toutefois incertain, comme l’attestent les nombreux tests de sensibilité que nous proposons.

4. Quels impacts de la forme urbaine sur les mobilités quotidiennes ? Une approche par la simulation pour une comparaison multidimensionnelle appliquée au territoire lyonnais

Nicolas Pelé ; Cyrille François ; Jean-Pierre Nicolas.
L’organisation spatiale des villes a profondément évolué durant le XXe siècle. Les travaux sur ce champ sont multiples, mais il existe toujours un débat concernant les effets de la forme urbaine sur la mobilité quotidienne. Les diverses méthodes utilisées pour estimer l’impact de l’organisation spatiale des villes, telles que les comparaisons entre agglomérations et la prospective à l’aide de modèles transport-urbanisme, sont souvent confrontées à la difficulté de séparer les différents effets, qu’ils soient économiques, démographiques ou culturels. L’évaluation de la mobilité quotidienne est également souvent cantonnée à une unique dimension du développement durable (économique ou environnementale) et les résultats sont donnés à une échelle agrégée, sans prise en compte des caractéristiques socio-économiques et spatiales des ménages. L’objectif principal de cet article est de proposer une approche par la simulation pour appréhender ces questions de comparaison. Il utilise le modèle transport-urbanisme SIMBAD calibré sur l’aire urbaine de Lyon afin de simuler diverses formes urbaines (une aire urbaine étalée, polycentrique et monocentrique). L’évaluation des impacts sociaux, économiques et environnementaux de la mobilité quotidienne des ménages est alors menée à l’échelle globale du périmètre d’étude avant d’être réalisée à une échelle plus désagrégée en fonction de la localisation résidentielle […]

5. La grande vitesse ferroviaire dans les pays en développement et les possibles inégalités d’usage. Une illustration par le cas du Maroc

Marie Delaplace.
Le XXIème siècle est celui de l’extension actuelle et à venir du réseau ferro­viaire à grande vitesse dans des pays en développement. Si des lignes existent d’ores et déjà en Chine, en Turquie, d’autres sont en construction (Maroc, Iran), et des projets existent dans de nombreux pays (Brésil, Malaisie, Egypte, etc.). La grande vitesse ferroviaire s’inscrit alors dans des contextes socio-économiques différents marqués par des inégalités importantes. Quels sont alors les effets possibles de la grande vitesse dans ces pays ? Parce qu’elle améliore l’accessibilité des territoires desservis, la grande vitesse ferroviaire peut favoriser la mobilité des populations qui y ont accès ainsi que les échanges au sein d’un même pays, ou entre pays lorsque ces lignes sont transnationales. Mais qui peut les utiliser dans ces pays ? Et pour quels usages ? L’objectif de cet article est de montrer que la grande vitesse ferroviaire peut contribuer à renforcer les inégalités existantes qui sont très fortes dans ces pays dès lors que ses usages y sont spatialement, économiquement, socialement davantage différenciés que dans les pays dits développés. L’analyse est illustrée par le cas du Maroc.

6. Le vélo comme outil d’empowerment. Les impacts des cours de vélo pour adultes sur les pratiques socio-spatiales

Marie Mundler ; Patrick Rérat.
Les cours de vélo pour adultes existent dans de nombreuses villes à travers le monde et leur public est souvent composé en majorité de femmes issues de l’immigration. Cet article explore les impacts socio-spatiaux de tels cours dans cinq villes suisses au prisme d’un cadre théorique original. Ce dernier est basé sur le concept d’empowerment et plus particulièrement sur ses dimensions spatiales. Il est opérationnalisé autour de trois axes : (1) l’individu et ses capacités, (2) l’individu dans son environnement proche et (3) l’individu dans la société. L’analyse proposée montre que l’apprentissage du vélo est susceptible d’accroître la capacité à être mobile, la confiance en soi, de permettre la (ré)appropriation de son corps et de l’espace et de favoriser l’autonomie et l’accès à diverses opportunités et activités.